Assurer la transition du système énergétique français vers un modèle souverain, durable et bas-carbone

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La France connaît actuellement une dépendance énergétique vis-à-vis des énergies fossiles, et notamment du pétrole et du gaz, qui représentent environ 67 % des besoins en énergie primaire pour répondre à la consommation domestique, dont 65 % en tant que combustible "direct" (c'est-à-dire non transformé pour produire de l'électricité)1Global Energy Perspective 2023, octobre 2023.. Il existe néanmoins de fortes disparités par secteur de consommation : par exemple, les combustibles fossiles représentent plus de 90 % du mix énergétique des transports aujourd'hui. Alors que le pays accélère son virage vers les énergies renouvelables, bio et bas-carbone, au profit d’une électrification croissante (24 % de la consommation finale en 20232Global Energy Perspective 2023, octobre 2023., 28 % en 2030 et plus de 30 % en 2035), d’autres dépendances sont en passe d’émerger, vis-à-vis d’équipements (panneaux solaires, éoliennes, par exemple) voire de nouvelles matières premières nécessaires à la transition, à l’instar du nickel ou des métaux rares. Bien que bénéficiant d'une solide assise bas-carbone via le nucléaire pour la production de l'électricité (environ 15 % de l'énergie finale consommée en France pour ses propres besoins est couverte par une source nucléaire), le développement des énergies renouvelables et les besoins en équipements associés risquent d’entraîner de nouvelles dépendances (de 15 % en 2023 à 20 % en 2030 de l'énergie finale consommée en France pour ses propres besoins couverte par une source renouvelable hors nucléaire) (figure 1). Comment s’assurer de faire de cette transition une opportunité pour la France de renforcer sa souveraineté énergétique ?

Les acteurs de la filière devront se questionner rapidement sur les conditions de succès pour relever ce défi :

  • Comment atténuer les dépendances énergétiques historiques au gaz naturel liquéfié, aux combustibles fossiles ou à l’uranium importés sans pénaliser l’économie et garantir une compétitivité du prix de l’électricité ?
  • Comment anticiper et atténuer les dépendances que le nouveau système énergétique souhaité par la France va créer ?
  • Quels volumes de batteries, de sous-composants (de type matériaux actifs de cathodes), de modules de panneaux photovoltaïques et de turbines et sous-systèmes associés devrons-nous importer d’Asie ? Quelles matières premières et composants allons-nous importer si nous souhaitons réaliser ces équipements en France ou en Europe ?
  • Comment s’assurer qu’une part conséquente des CAPEX nécessaires pour atteindre les ambitions du mix énergétique français se traduise par une dépense en grande partie locale ? Et avec quel rythme de déploiement ?

Telles sont les questions structurantes relatives à la transition du système énergétique français auxquelles nous nous attacherons à répondre dans cet article que nous avons articulé autour de notre scénario énergétique de référence ("Trajectoire actuelle")3.

La France, un territoire dépendant aux énergies fossiles, malgré une assise nucléaire indéniable

Dans le cadre du présent article, nous analysons la consommation actuelle et future – à horizon 2030 – de la France en matière d’énergie, ainsi que le mix énergétique correspondant. Nous mettons une emphase particulière sur l’énergie totale consommée et ne réduisons pas l’analyse à la simple consommation d’électricité, celle-ci ne représentant qu’environ 24 % de l’énergie totale consommée en France4Global Energy Perspective 2023, octobre 2023. et reposant pour environ 63 % sur de la génération nucléaire sur le territoire national.

La consommation énergétique française totalise environ 6 300 pétajoules en 2023, soit 3 % de plus qu’en 2000, représentant un coût d’environ 175 milliards d’euros pour les consommateurs finaux5Bilan énergétique de la France en 2023, mai 2024..

En matière de mix énergétique, la France reste encore très dépendante aux hydrocarbures – pétrole et gaz – une tendance qui ne devrait pas connaître de revirement majeur d’ici 2030. Cette dépendance a un impact non négligeable sur la balance commerciale hexagonale. En effet, le pays comptabilise environ 70 milliards d’euros de déficit net sur sa balance énergétique, ce qui représente 2,4 % du PIB en 2023 – soit 1,5 fois le budget français de la défense – et 2,3 % en moyenne sur les 5 dernières années6 (figure 2). C’est particulièrement prégnant pour les produits pétroliers bruts, raffinés et le gaz, qui représentent la plus forte contribution aux importations françaises, avec 13,1 % du total en 20237, Le chiffre du commerce extérieur, février 2024..

Quatre grands segments représentent l’ensemble des secteurs consommateurs d’énergie en France. Si chacun dispose de ses spécificités propres, tous sont encore relativement dépendants des énergies fossiles (entre 40 % et 92 % de leur mix énergétique en 2023) :

  • Le bâtiment, tertiaire et résidentiel,
  • Les transports, incluant les transports routier, ferroviaire, maritime et aérien, à la fois pour les particuliers et les entreprises,
  • L’industrie au sens large,
  • L’agriculture et la pêche.

Si l’on décompose leur mix énergétique et la manière dont celui-ci devrait évoluer à horizon 2030 (figure 3)8Global Energy Perspective 2023, octobre 2023. :

  1. Le bâtiment (tertiaire et résidentiel) représente environ 38 % de la consommation énergétique française en 2023, avec un mix essentiellement composé de gaz et d’électricité, pour environ 72 %9 de sa consommation en 2023. La part des énergies fossiles (principalement le gaz), qui représente 40 % de la consommation de ce secteur, devrait diminuer pour atteindre 37 % à horizon 203010.
  2. Le transport représente environ 35 % de la consommation énergétique française et 92 % de son mix énergétique est composé de combustibles fossiles11. La consommation d'électricité de ce secteur devrait croître légèrement d’ici 2030 (+4 points), avec une part de combustibles fossiles en baisse mais néanmoins toujours prégnante, puisqu’estimée à cet horizon de temps à 85 % de la consommation énergétique totale, et reposant encore largement sur des dérivés de pétrole. Nous estimons que l’incorporation des biocarburants (combustibles bio ou renouvelables) dans le mix énergétique du secteur du transport devrait plafonner à hauteur de 9 % du mix et que la pénétration de l’électrique devrait atteindre au mieux les 6 % à horizon 2030, du fait de la forte inertie de renouvellement du parc automobile.
  3. L’industrie au sens large représente environ 25 % de la consommation énergétique française, avec une consommation d’électricité qui devrait également croître légèrement d’ici 2030 (+1 point). En 2023, le mix énergétique de l’industrie est composé d'électricité (26 %), de combustibles fossiles (63 % dont 25 % de gaz naturel, 35 % de produits pétroliers et 3 % de charbon). La part de combustibles fossiles ne devrait que faiblement baisser d’ici 2030 pour atteindre les 61 %.
  4. L’agriculture et la pêche représentent environ 3 % de la consommation totale d’énergie de la France. La part des combustibles fossiles dans le mix énergétique de ce secteur est particulièrement élevée (72 % en 2023), en particulier pour les produits pétroliers (67 % du mix couvert par les produits pétroliers et 5 % de gaz naturel) et, même si elle devrait sensiblement baisser pour ne représenter que 58 % du mix en 2030, la dépendance devrait subsister à cet horizon, du fait du plafonnement des incorporations de biocarburants (8 % en 2023, 9 % en 2030) couplé à une électrification du secteur qui reste lente.

L’évolution de la consommation énergétique : d’une dépendance à une autre ?

Bien qu’encore lente, la transition énergétique est en marche, notamment en faveur de l’électrique. Ainsi, on estime que la demande en électrons devrait s’intensifier en France (+139 TWh entre 2023 et 2030), en particulier pour l’électricité d’origine renouvelable12 qui pourrait représenter 39 % de la production d’électricité en 2030, contre 28 % en 2023.

En effet, une partie de notre consommation énergétique non électrique pourrait s’électrifier du fait des développements technologiques en cours – par exemple, véhicules électriques, pompes à chaleur, chaudières électriques. Une autre partie du mix énergétique se décarbonera par le biais de carburants issus des filières bio ou de synthèse, notamment via l’hydrogène. Ces mutations posent la question des nouvelles dépendances aux équipements ou aux matériaux, des dépendances que nous devons anticiper.

Une analyse fine par secteur confirme cette tendance à l’électrification, même si celle-ci reste néanmoins contenue à l’horizon 2030.

Le secteur du bâtiment (parc existant) représente environ 40 % de la consommation d'énergie en France. Deux tendances pourraient impacter significativement le secteur du bâtiment (tertiaire et résidentiel) et accélérer sa transition énergétique. D’une part, la pénétration des pompes à chaleur en remplacement des chaudières à gaz. D’autre part, une hausse de la demande en électricité du fait de l’augmentation du nombre de centres de données en lien avec l’accélération des technologies d’intelligence artificielle, qui pourraient entraîner une hausse d’environ 9 % de la consommation finale d’électricité à horizon 203013. Microsoft a, par exemple, annoncé en mai 2024 investir plus de 4 milliards d’euros dans le développement en France de centres de données IA et cloud haute capacité alimentés à 100 % en électricité renouvelable.

Dans les transports, le renforcement de la réglementation environnementale, à l’échelle française et européenne, représente l’un des principaux moteurs de l’adoption grandissante des véhicules électriques et du développement de ce segment de marché. L’accord de l’Union européenne entérinant la fin des véhicules neufs à moteur thermique à partir de 203514Ajustement à l'objectif 55 (communiqué de presse du 28 octobre 2022). a accéléré le virage vers l’électrique. Ainsi, le nombre de véhicules électriques en circulation en France a été multiplié par 5 ces 5 dernières années15Baromètre des immatriculations, octobre 2023. (figure 4).

Également, il est à noter que l’industrie poursuit sa transition vers une électrification des usages et un verdissement de son gaz, même si celle-ci reste lente. Nous estimons que la part de l’électricité dans le mix énergétique de ce secteur devrait atteindre 27 % en 2030 contre 26 % en 2023, et que la part des biogaz et biocarburants devrait atteindre les 7 % en 2030.

Enfin, nous observons également une électrification croissante sur le secteur de l’agriculture et de la pêche, qui devrait passer de 19 % du mix en 2023 à 32 % en 2030. Cela s’explique notamment par le remplacement progressif des engins agricoles thermiques par des versions électriques ainsi que par l’utilisation de pompes à chaleur électriques pour le chauffage des bâtiments d’élevage et de culture.

Néanmoins, les technologies en lien avec l’électrification des usages reposent largement sur des minerais importés ainsi que sur des équipements et sous-équipements produits pour certains en grande partie hors de France. La dépendance de la France vis-à-vis des hydrocarbures pourrait alors évoluer vers une dépendance en matériaux (comme par exemple les terres rares et le lithium pour les batteries) ou en équipements (par exemple, batteries, éoliennes, panneaux solaires).

Dans certains secteurs, des écosystèmes entiers se trouvent aujourd’hui fragilisés et dépendants des pays voisins, voire non-membres de l’Union européenne, pour l’approvisionnement en composants clés, en particulier pour le solaire photovoltaïque ou les batteries. Par exemple, alors que la capacité installée de panneaux solaires a été multipliée par 2 ces 5 dernières années16 (figure 4), la Chine domine la production solaire photovoltaïque tout au long de la chaîne de valeur. Elle fournit actuellement 95 % des matériaux utilisés pour fabriquer ses composants microélectroniques, plus de 70 % du polysilicium et des cellules photovoltaïques (en France, plus de 90 % des cellules photovoltaïques étaient importées en 2023, en grande partie de Chine17) (figure 5).

Cette tendance devrait se poursuivre, voire s’accélérer, du fait d’une électrification croissante des bâtiments, des transports et de l’industrie, impactant les besoins en batteries et en infrastructures renouvelables, et générant un large éventail de dépendances, notamment en matière de cuivre, de lithium, de nickel ou de silicium.

Il est donc fort probable, si cela n’est pas anticipé, que la France voie à terme sa dépendance aux hydrocarbures évoluer vers une dépendance aux matériaux nécessaires à la transition énergétique, tout en conservant une dépendance non négligeable aux hydrocarbures.

Ces constats posent 3 questions majeures pour l’avenir du mix énergétique français :

  1. Comment améliorer notre souveraineté énergétique en réduisant nos imports et en renforçant les filières d’approvisionnement nationales ?
  2. Comment réduire notre empreinte environnementale et notre exposition aux énergies fossiles, notamment dans le secteur des transports encore très exposé aux dérivés pétroliers ?
  3. Enfin, comment, dans ce contexte, préserver nos modes de vie sans mesures drastiques visant à couper ou pénaliser nos consommations énergétiques de manière significative ?

4 leviers pour atteindre une souveraineté économique durable et bas-carbone dans les choix énergétiques de la France

A l’aune de ces évolutions en matière de mix énergétique, nous identifions 4 axes de réflexion pour la France en matière de choix énergétiques pour atteindre une souveraineté économique durable et bas-carbone :

1. Comment optimiser la consommation quotidienne de la France en investissant massivement dans les technologies d’effacement, de flexibilité électrique (pilotage dynamique) et de sobriété énergétique (campagne de remplacement des équipements) ?

De nouvelles technologies offrent de réels progrès en termes de maîtrise de la consommation électrique : pilotage dynamique de la consommation en fonction des prix, batteries sur site pour pallier les pics de prix et de demande ou encore lissage des courbes de charges pour véhicules électriques. Le potentiel de flexibilité provenant de ces technologies représenterait environ 25 GW d’ici 2035 en France18, soutenu par un contexte réglementaire favorable aux technologies de Demand-Response.

Des actions en matière d’efficacité énergétique, principalement via le remplacement des équipements anciens, en particulier dans l’industrie, et via une amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments, permettraient de réduire de 20 à 30 % la consommation de certains usages et équipements. Le marché de l’efficacité énergétique est ainsi estimé à 4 milliards d'euros en moyenne par an en France sur les 5 prochaines années, dont près de 50 % pour l’industrie et 30 % pour le tertiaire19. La réglementation en place et les aides d’Etat peuvent favoriser l’accélération du remplacement des équipements et la rénovation énergétique.

2. Quel renforcement de l’écosystème et de la chaîne de valeur du nucléaire ?

Le nucléaire, via la maîtrise des coûts de construction des réacteurs de nouvelle génération (EPR) ainsi que la maîtrise technologique des petits réacteurs modulaires (SMR), offre un atout indéniable de souveraineté, compte tenu de leur faible exposition aux importations (quand elles sont rapportées au coût total).

La réussite du renouvellement du parc nucléaire, par la construction de 6 à 14 nouveaux EPR (représentant +20 à 36 GW au total à horizon 2060) peut devenir une source de compétitivité pour la France, permettant en outre de contenir la hausse des prix de l’électricité si elle se fait à coûts de construction maitrisés (c’est-à-dire avec au moins 30 % de réduction des coûts de CAPEX et 50 % du temps de construction en moins par rapport à l’EPR de Flamanville)20 (figure 6). Cela nécessitera un soutien aux acteurs de la filière nucléaire, composée aujourd’hui d'un grand nombre d’acteurs de type PME et ETI qui devront s’allier, voire fusionner, pour atteindre les ambitions fixées. Cela appellera également à un renforcement de certains viviers de compétences (sur des métiers de type soudeurs, par exemple) en entreprenant dès aujourd’hui des actions ciblées d’orientation et de formation auprès des nouvelles générations.

La filière des SMR et la fusion21La fusion, prochaine source d’énergie décarbonée pour l’Europe, novembre 2023. sont également deux percées technologiques clés à travers lesquelles la France peut maintenir son leadership historique dans la filière en poursuivant son soutien financier22, notamment dans le projet Nuward23, et le développement de son écosystème de start-ups dans la fusion. Cela vient en complément du projet ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) lancé en 2007, en cours de construction à Cadarache en France, qui devrait être le plus gros tokamak24 du monde avec une capacité de production de 500 mégawatts et des premiers tests prévus à horizon 2030.

Enfin, le développement et la montée en puissance de l’hydrogène rose, produit à partir du parc nucléaire historique, peut également être un sujet sur lequel la France peut se démarquer.

L’hydrogène rose pourrait représenter une opportunité de décarbonation abordable pour les industries difficiles à électrifier et un renouveau industriel dans les produits bas-carbone, tels que le ciment ou l’acier. En effet, un tel hydrogène pourrait être (en prenant en compte un coût amorti du parc) environ 50 % plus compétitif que l’hydrogène vert provenant d’actifs intermittents tels le solaire ou l’éolien25 (figure 7).

3. Quelle accélération en matière de développement des carburants synthétiques et bio ?

Les bio et e-carburants pourraient jouer un rôle significatif dans la décarbonation du transport, en capitalisant sur des chaînes de valeurs locales végétales (telles que le colza, la betterave ou la carinata pour les biocarburants). Les filières de biomasse agricoles et forestières pour les nouveaux processus de gazéification et de fermentation (comme la délignification) ou la valorisation d’autres déchets en fuels (par exemple, l’hydrotraitement des huiles usagées, la pyrogazéification de déchets) sont aussi en développement. A horizon 2035, les bio et e-carburants pourraient représenter environ 9 % du mix énergétique des transports terrestres, 20 % de celui de l’aérien et 1 % de celui du transport maritime, avec un potentiel encore plus élevé si certaines mesures réglementaires étaient accentuées26 (figure 8).

Pour cela, la France dispose de ressources énergétiques majeures, notamment si l’on prend en compte le potentiel des productions d’oléagineux (colza principalement, pour le biodiesel) et des cultures à forte teneur en sucre et en amidon (betterave, maïs, canne à sucre, pour le bio-éthanol). L’atout de la filière des biocarburants et e-carburants est qu’elle permet une décarbonation des transports via de nouveaux combustibles entièrement compatibles avec les motorisations existantes (par exemple, HVO, HEFA), tout en favorisant les circuits courts (production de matières premières, raffinage et logistique 100 % locaux).

Les projets de carburants synthétiques se développent également en s’appuyant sur les nouveaux gisements d’hydrogène et de CO2 biogénique. Ceux déjà annoncés en France représentent environ 500 ktep de production à horizon 203027Connaissance des énergies..

La France pourrait enfin asseoir sa légitimité dans la production d’énergie à partir de déchets, principalement agricoles. A titre d’exemple, le secteur agricole français offre un potentiel de déchets disponibles pour la production d’énergie d’environ 30 Mtpa28 (figure 9).

4. Quelle exploitation du sous-sol métropolitain et d’outre-mer, notamment en matière de nickel, lithium, métaux rares, hydrogène blanc ?

Le sous-sol français peut en effet représenter un atout pour un développement amont des chaînes de valeurs liées à l’électrification et aux nouveaux gaz décarbonés. C’est d’ailleurs dans l’objectif de reconquérir davantage d’autonomie sur ses ressources que le gouvernement français a annoncé en avril 2024 qu'il souhaitait moderniser le code minier pour simplifier les procédures administratives associées et réduire notamment les délais d'instructions de permis de recherches. Ce projet de loi pourrait par ailleurs explorer la possible reconversion des puits de pétrole en zones de stockage de CO229.

L’importation de minerais extraits du sous-sol de nos voisins doit nous pousser à nous poser la question de l’utilisation de notre propre sous-sol, afin de contenir notre déficit commercial. La mission confiée au Bureau de recherches géologiques et minières va en ce sens. Il devrait permettre une meilleure connaissance de notre sous-sol par le biais d’un inventaire mis à jour grâce aux nouvelles technologies géophysiques développées depuis le dernier grand inventaire national réalisé au cours des années 1980.

Cela inclut notamment des gisements de lithium, avec un volume potentiel de production atteignable de 83 kt en 2030 et concrétisé par des projets menés par des leaders français du secteur30 (figure 10).

Par exemple, le projet EMILI dans l’Allier pourrait représenter 34 ktpa d’hydroxyde de lithium en 2028 et ainsi fournir la matière nécessaire à la production annuelle de 700 000 batteries Li-ion pour véhicules électriques.

Également concernée, l’exploitation de gisements de nickel, via la relance du secteur minier en Nouvelle-Calédonie, peut offrir un volume de production d’environ 261kt en 2030, dont 20 kt de compléments potentiels par rapport aux niveaux de production actuels31 (figure 10). Cette ambition nécessitera cependant de tenir compte des complexités associées au financement, à la productivité et à l’intégration avec l’aval pour s’assurer que les projets mis en place soient compétitifs. De nouveaux projets de conversion ou raffinage, tels que le projet EMME dans le Sud-Ouest de la France, ont d’ailleurs été annoncés en mai 2024. Ceux-ci représentent un investissement de 300 millions d’euros.

Enfin, les gaz en sous-sol, comme l’hydrogène blanc et l’hélium, peuvent être inclus dans la réflexion, en confirmant puis exploitant les gisements potentiels estimés32L’hydrogène naturel : état de la recherche en France, juin 2021. (figure 11), sans oublier les métaux et terres rares.

A titre d’exemple, alors que l’hélium (utilisé dans la production de certains panneaux photovoltaïques) est inclus dans la directive Critical raw materials de l’Union européenne, nous importons encore environ 98 % de notre consommation, avec une production locale qui ne devrait démarrer qu’en 2024.

Pour chacun de ces matériaux et molécules, les coûts, les bénéfices et les risques liés à l’exploitation des gisements nationaux devront être comparés à ceux relatifs aux imports, potentiellement plus économiques (par exemple, ~6 000 $/t LCE pour le carbonate de lithium local français extrait et raffiné soit environ +50 % plus cher et ~20 000 $/t pour le nickel local extrait et raffiné en France, soit environ +40 % plus cher).


L’accélération de la transition énergétique pourrait faire basculer la France d’une dépendance aux hydrocarbures vers une dépendance aux matériaux et équipements nécessaires à cette transition. Néanmoins, l’Hexagone, qui dispose d’atouts pour atteindre une souveraineté énergétique durable et bas-carbone, devra faire des choix audacieux pour faire de la transition une opportunité de souveraineté.

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